Les biais attentionnels

On parle de biais d’attention (ou biais attentionnel) lorsque le traitement des informations que nous percevons est modifié par des préoccupations/émotions. Au-delà de cette définition plus que générale, ces biais sont notamment étudiés dans le cadre de la psychopathologie cognitive (anxiété, addictions…) mais aussi dans l’univers de la finance (en tant que biais) et celui du marketing (en tant qu’élément à intégrer dans une action marketing).

De quoi parle-t-on ?

Le test d’attention sélective de Simmons (1) l’illustre très bien : un biais attentionnel désigne cette inclination à trier les informations disponibles en fonction d’une priorité, d’une humeur, d’une sensibilité, d’une préoccupation ou d’une émotion.

Vous allez me dire « Et alors ? ». Et vous aurez raison : au-delà de tout débat quant à l’existence de l’objectivité, nous sommes nécessairement mu(e)s par des désirs ou craintes et/ou en recherche d’un « quelque chose » qui vont nous inciter à sélectionner les informations disponibles à l’aune des ces émotions ou objectifs. Ainsi, par exemple, la peur des araignées vous rendra-t-elle plus attentive aux mouvements de cette chose noire et velue dotée de beaucoup trop de pattes et qui vient de se faufiler sous votre chaise. Vous savez parfaitement bien qu’il n’y a aucune araignée dangereuse 1000 km à la ronde … mais quand même. Et si elle s’était échappée d’une boite qu’un obscur trafiquant d’araignées mortellement venimeuses aurait perdu ? Hein ?

Bien

La notion de biais attentionnel va donc devenir dérangeante lorsque la focalisation sur un évènement vous fait perdre de vue les autres informations au point de perturber votre jugement et donc possiblement les choix que vous allez faire. Etait-il vraiment nécessaire, à 22h45, de passer l’aspirateur pendant près de 25 minutes dans une seule et même pièce juste parce qu’une araignée parfaitement inoffensive s’est faufilé sous votre chaise ? Vous n’avez vu qu’elle. Elle s’est imposé à votre esprit et l’a envahi. Arachnophobe ou pas, vous avez été pris(e) par un biais attentionnel.

(1) Selective attention test – Daniel Simons (vidéo - 1’21’’)

Quels sont-ils ?

On peut catégoriser ces biais attentionnels en trois groupes :

- Les biais dits « de facilitation ». L’information qui va alors faciliter l’attention en l’accaparant. Le cas de l’araignée pris ci-dessus en est un exemple.

- Les biais dits « de désengagement ». On est alors dans la situation ou votre attention s’est portée sur une information, par exemple l’étrange ballet de ces deux oiseaux qui dansent entre les branches de l’arbre. Et vous êtes suffisamment happé(e) par leur danse que vous perdez presque toute communication avec ce qui se passe autour de vous. Vous vous êtes « déconnecté » de votre environnement.

- Les biais dits « d’évitement ». On est là dans la situation où vous cherchez à éviter une information. C’est le cas, par exemple, de certains supporters de football lorsqu’ils détournent les yeux pour ne pas voir le penalty tiré contre leur équipe, de crainte de devoir affronter une information dont ils ne veulent pas.

Les biais attentionnels sont à la fois inévitables et possiblement utiles (savoir se concentrer relève du biais attentionnel). Il est donc important, lorsque l’on parle de biais attentionnel, à la fois de le contextualiser et d’en apprécier l’impact et l’intensité avant d’envisager de juger de quoi que ce soit.

Son importance en marketing

Comment mesurer ?

Mesurer un biais attentionnel, c’est mesurer une capacité à prendre en compte et trier/organiser un ensemble de données. C'est mesurer comment un sujet organise/gère les informations qu'il perçoit. Quatre épreuves existent :

La tâche de Stroop

C’est un test assez connu. On vous présente un ensemble de mots désignant une couleur et chaque mot est teinté d’une couleur autre. Par exemple, le mot « rouge » est présenté en bleu, le mot « vert » est présenté en rose ... L'illustration du paragraphe offre un exemple.

La tâche de recherche visuelle

Il s’agit là de mesurer une capacité à repérer un élément cible parmi d’autres éléments qui sont là pour distraire. Par exemple, on vous présente un ensemble de visages dont seulement un ou deux présentent un caractère menaçant cependant que les autres ne le sont pas.

Tâche de sondage attentionnel

Dans cette épreuve, on mesure la rapidité de réaction relativement à l’emplacement d’un stimulus visuel (selon que le stimulus sera ou pas dans l’aire d’attention).

La tâche de repérage de Posner

Il s’agit d’un test durant lequel on mesure, selon un protocole précis, la capacité à effectuer un changement attentionnel

Pour en savoir plus :

Paradigmes expérimentaux en psychopathologie cognitive des émotions – Cairn info

Quelques troubles liés aux biais attentionnels

La notion de biais attentionnel est donc une situation au cours de laquelle nous allons concentrer notre attention sur un stimulus particulier au point soit de « mettre de coté » d’autres éléments soit de nous comporter de façon « disproportionnée » par rapport au stimulus. Présenté ainsi, on peut envisager que ce qui est nommé biais comporte une part d’héritage lié à l’évolution. Que, dans la pampa qui m’entoure, je croise une menace vitale (un tigre, un ours, un calmar à poil dur...), et ce qui est nommé « biais attentionnel » devient d’un seul coup « mobilisation de mes ressources physiques et psychiques pour ma survie ». Je me concentre sur l’objet de ma peur… et je détale.

Ce n’est donc pas tant l’existence de cette « hyper-concentration » que ses possibles « effets indésirables » qui justifient que l’on parle de biais au sens ou « il faudrait s’en méfier ».

Si, par contre, si j’ai besoin d’une balance électronique pour m’assurer que je n’ai pas mis trop de vitamine B6 dans mon bol de céréales matinal ou que le seul poulet que j’accepte de manger s’achète en poudre parce que comme ça je suis sûr de ne pas risquer de salmonellose …. là il y a « peut-être » un problème. Et si j’évoque les troubles alimentaires, c’est tout simplement parce que la première cause de mortalité dans le monde, ce sont les maladies cardio-vasculaire, et que pour beaucoup ces pathologies de conduites alimentaires sont issues de comportements … biaisés (1).

Que je sois clair : il n’est pas question de dire que les déficits nutritionnels sont tous dus à des biais attentionnels. Par contre, considérer que de nombreux troubles alimentaires ont leur origine dans ce type de biais est exact (2).

(1) Maladies cardiovasculaires - OMS

(2) Les cognitions et leur évaluation dans les troubles des conduites alimentaires – Science direct