« Statu quo » est la contraction d’une locution latine (« in statu quo ante ») signifiant « dans la situation/état où cela était auparavant ». Le biais de statu quo désigne donc une tendance à préférer une situation présente, même inconfortable, à l’incertitude issue d’un choix de changement. Quitte à faire fi de toute rationalité.
Ce sont deux professeurs d’université américains, William Samuelson et Richard Zeckhauser, qui l’ont identifié en 1988 dans le cadre de travaux sur les choix économiques (1). En résumé, deux groupes de sujets qui tous sont dans un scénario d’héritage d’une importante somme d’argent. Un des groupes dispose d’un ensemble de placements possibles, l’autre groupe dispose d’une somme d’argent équivalente mais déjà placée d’une part et mal rentable d’autre part. Le résultat des choix effectués témoigne que la diversité des placements est plus importante lorsque l’argent n’est pas déjà placé et que les personnes du groupe pour lequel l'argent était mal placé répugnaient à changer d'option malgré les mauvais résultats financiers. Ce qui revient à dire que même si le scénario de placement est mauvais, il sera préféré à l’inconnu lié à une initiative de changement.
(1) Status Quo Bias in Decision Making – Journal of risk and uncertainty (pdf - 53p)
On en retrouve l'esprit illustré par quelques proverbes : « Dans le doute abstiens-toi », « Mieux vaut tenir que courir » ou encore « on sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on trouve ».
On va donc être confronté à ce biais lorsqu'on a le choix entre une situation présente insatisfaisante et une perspective mal connue présentant un risque. Ce biais va nous faire incliner vers la préservation de ce qui est au détriment de toute initiative de changement
On retrouve aussi le biais de statu quo lorsqu’une information lorsque des « informations supplémentaire » surviennent et sont de nature à modifier l’appréciation initialement portée. A supposer que je sois convaincu(e) que la Terre est un cube parce que "autour de moi tout le monde le dit », toute immixtion d’une preuve tangible témoignant de la rotondité de la planète va provoquer une dissonance telle que je vais refuser de remettre en question cette évidence : La Terre est un cube.
Le biais de statu quo, tout comme le biais de confirmation, amplifie la diffusion de rumeur par rejet de la contradiction.
Identifié dans le cadre de choix économiques, le biais de statu quo est désormais partie intégrante d'études liées à ce qui s'appelle désormais la finance comportementale. On va alors le retrouver associé à d'autres biais (1) tels que FoMO, l'aversion au risque ou l'effet de dotation, qui consiste à attribuer à ce que l’on possède une valeur (économique/financière) plus importante que si on n'en disposait pas.
Mais j'aborde là une question qui mérite bien plus qu'un paragraphe, celle de la soi-disant rationalité des agents économiques en général et des acteurs boursiers en particulier. Une partie de ce site lui sera consacrée.
(1) The endowment effect, loss aversion and status quo effect - Journal of Economic Perspectives (sur jstor)
Le biais de statu quo est important à intégrer dans une démarche commerciale ou marketing : un changement n’est pas nécessairement vendeur voire peut être dissuasif. Un client ou un prospect ont besoin d’être rassurés. Donc, par exemple, refondre complètement un site d’e-commerce au motif d’un faible taux de conversion est un raisonnement qui se tient mais qui élude un certain nombre d’autres hypothèses (quant à l'origine du faible taux de conversion).
En d'autres termes, avant de tout changer dans une démarche et/ou dans un support, il peut être utile de s'interroger si l'outil (le changement) est bien adapté à l'objectif (l'amélioration d'un indicateur). Le changement n'est ni bon ni mauvais, c'est un outil. S'il est adaptatif, c'est tout bénéfice, s'il est une concession à un effet de mode, le bénéfice est plus hypothétique.
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