Les biais : de quoi parle-t-on ?

Les biais : d'abord des raccourcis

Si dans son sens propre le biais indique une position oblique, le mot est très souvent utilisé comme synonyme d’une déformation, d’un détour ou d’un subterfuge. C’est donc aussi, au sens figuré, un moyen de résoudre un problème. Et si les biais existent et persistent dans le temps peut-être est-ce au moins aussi parce que certains problèmes auxquels nous sommes confrontés sont eux aussi persistants (voire, pour certains, croissants en importance). Certains problèmes ne pouvant être couramment solutionnés (ou à un coût énergétique ou psychique très important), les biais sont là pour nous donner la réponse à une question sans avoir besoin de l'aborder dans son entièreté. 

C'est cette dimension pratique qui est à l'origine de la catégorisation qui suit. Cette catégorisation n'est surtout pas irréprochable, ce n'est qu'une façon de ranger pour pouvoir s'y retrouver. Un peu...

La liste de biais qui suit vient d’une part d’une première cartographie réalisée en 2016 (1) et d’autre part d’un site que je prends pour référence (2).

 

Les biais permettant de sélectionner ce dont il faut se souvenir de ce qui peut être oublié

L’effet Google : c’est la tendance à considérer une information accessible moins digne d’un effort de mémoire qu’une autre au simple motif qu’elle est plus facilement accessible

Effet de position en série : désigne le fait que la position d’une information dans une série d’informations va influencer notre capacité à la mémoriser. Ce sont souvent la première et la dernière information qui sont les mieux mémorisées

Effet de primauté : désigne le fait que la première information est privilégiée sur celles qui suivent lorsqu’il faut porter un jugement. Proche du biais d’ancrage.

Effet de négativité : ce biais nous fait privilégier la mémorisation des arguments négatifs sur celles des arguments positifs
 

Les biais destinés à faciliter une rapidité de réaction

Effet « moins c’est mieux » : désigne le fait que nous préférons une information simple et apparemment complète à une information complexe et/ou ambigüe

Effet de conjonction : il s’agit à la fois d’un biais de raisonnement et d’un biais cognitif. Ce biais nous fait confondre les données brutes et les données relatives. Ainsi, par exemple, un grand hôpital sera-t-il affecté d’un plus grand taux de naissance qu’une petite clinique. Les données sont mélangées sans notion de représentativité.

Loi de futilité de Parkinson : consiste à donner une importance exagérée à des détails peu ou pas signifiants

Phénomène Eaton-Rosen : il s’agit d’un phénomène observé expérimentalement sans qu’une explication ne soit réellement formulée : si deux affirmations identiques sont formulées, celle comportant des effets de rimes sera considérée comme "plus vraie ou plus précise" que l’autre.

Biais de statu quo : c’est une reformulation de la résistance au changement.

Réactance : c’est un mécanisme de défense psychologique que met en place un individu lorsqu’il a la sensation que l’on tente de l’influencer et/ou qu’on limite son choix.

Biais de l’unité : c’est la tendance à rechercher un achèvement. Cette tendance à « vouloir finir » se retrouve notamment dans le comportement alimentaire. Une personne va alors adapter son volume alimentaire non pas à sa faim ou à ses besoins mais à la taille de la portion qui lui est présentée.

La peur de rater quelque chose (FoMO) FoMO (pour Fear Of Missing Out), désigne la crainte de "manquer une occasion". On retrouve FoMO dans l'univers du marketing mais aussi dans l'univers des marchés boursiers.

L’erreur fondamentale d’attribution : parfois appelée « biais d’internalité », c’est une tendance à sous-estimer les influences externes (contexte, autrui) et à surestimer l’impact d’un individu (effort, dispositions personnelles). Cela aboutit à attribuer à un individu l’entière responsabilité de ses actes.

L'effet Dunning-Kruger : aussi nommé "biais de surconfiance" désigne l'incapacité que peuvent avoir les personnes incompétentes à  identifier leurs propres incompétences

Biais d’auto-complaisance : désigne le fait que certaines personnes attribuent leurs réussite à leurs qualités propres et leurs échecs à des facteurs ne dépendant pas d’eux (autrui, contexte …). On rejoint l’effet Dunning-Kruger par certains aspects.

Effet Barnum : est le nom donné à un type de validation subjective dans laquelle la personne trouve une signification personnelle dans un texte pouvant s'appliquer à n'importe qui. On le retrouve aussi parfois sous l’appellation « Effet Forer ». L’une des applications les plus répandues est l’établissement des horoscopes.


Les biais destinés à traiter l'abondance d'information

Biais attentionnels : ces biais regroupent les façons que nous avons de traiter les informations en fonction de nos centres d'intérêt ou émotions du moment ou qui trouvent en nous un "écho particulier".

Heuristique de disponibilité : Mode de comportement/réflexion qui privilégie les informations immédiatement disponibles sur les autres

L'effet de halo : consiste à affecter à une personne un jugement général en fonction d'un élément la concernant. C'est un mode de généralisation du jugement

Effet de contexte : désigne le fait qu’un objet/une personne ne sera pas jugé de la même façon selon qu’il/elle sera pris(e) isolément ou situé(e) dans un contexte

Echec de récupération : désigne les situations dans lesquelles il est impossible de se rappeler de quelque chose sans lui associer un repère/un contexte.

Illusion de fréquence : Tendance à remarquer d’autant plus un évènement/une donnée qu’on le cherche, ce qui conduit à surestimer son importance/sa fréquence

Décalage empathique : désigne la difficulté éprouvée à évaluer l’impact de ses propres désirs/pulsions/préférences sur sa propre attitude ou ses propres comportements

Biais d’omission : consiste à privilégier l’inaction sur l’action en cas d’incertitude sur la foi de ce qu’un tort par inaction est moins grave qu’un tort issu d’une action

Effet de supériorité de l’image : comme son nom l’indique, ce que l’on apprend par l’image est mieux appris et mieux retenu que ce que l’on apprend par des mots. La notion de biais est ici très dicutable.

Biais d’ancrage : tendance à privilégier une donnée au simple motif qu'elle est disponible, et sans considération de sa relation avec la question qui a été posée.

Effet de focalisation : tendance à privilégier certains éléments sur d’autres pour des motifs issus de stéréotypes, de schémas de pensée

Effet de cadrage : désigne le rôle de la formulation d’une question sur la nature de la réponse obtenue. Un des rares effets permettant de mesurer une influençabilité.

Biais de confirmation : désigne la tendance à privilégier les informations confirmant une opinion pré-établie sur les informations susceptibles de contredire cette opinion. On parle aussi du biais de confirmation d’hypothèse

Biais de congruence : c’est la « suite logique » du biais d’hypothèse, qui consiste à ne tester que l’hypothèse que l’on estime vraie, sans en essayer d’autres

Effet Pygmalion : désigne le fait qu’un sujet améliore sa réussite si quelqu’un croit en lui. Il s’agit d’un « biais » à l’impact très fort en matière d’éducation.

Effet Golem : c’est l’inverse de l’effet Pygmalion. Moins une personne ressent une confiance dans son entourage/encadrement, moins sa performance sera bonne.

Effet de validation subjective : c’est le fait de valider une information au motif qu’on lui trouve un sens personnel, même si cette information est d’ordre général. C’est une reformulation de l’effet Barnum.

Les biais de méthode et de raisonnement

Cette fois, il s'agit à proprement parler d'erreurs. Qu'elles soient commises volontairement ou involontairement est un autre sujet, mais ce sont des biais qui peuvent aussi bien être le fait d'une méthode inadaptée au résultat recherché que des moyens pour destinés à falsifier le traitement de données pour obtenir un résultat désiré.

 

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Ressources recommandées :

(1) : Petit guide exhaustif des biais cognitifs – Buster Benson (traduction) – Université de Paris-Saclay

(2) : Guide pratique des biais cognitifs – Shortcogs